CHAPITRE XV

 

Les tunnels s’étendaient sous la ville comme un labyrinthe interdit. Obscurs et sinueux, ils partaient dans toutes les directions. En descendant une volée de marches, Buffy se demanda si elle parviendrait à retrouver le chemin de la sortie.

Elle s’arrêta à une intersection pour étudier les environs. L’air humide était chargé d’une forte odeur de pourriture. Au loin résonnait un bruit d’eau courante.

Quand un rat effleura le pied de Buffy, la jeune fille ne broncha pas. Elle se contenta de bomber les épaules, de choisir un tunnel et de se remettre en route.

Elle avançait lentement, sondant chaque crevasse et chaque recoin. L’endroit était un refuge parfait pour des vampires, songea-t-elle. En ce moment, ils pouvaient être n’importe où en train de la guetter, prêts à lui tendre une embuscade.

Le cœur battant à tout rompre, Buffy poursuivit son chemin.

Elle arriva à une nouvelle intersection et tourna à gauche. Ce passage semblait désert, mais elle hésita quand même et tendit l’oreille. Le silence était total. Elle recommença à avancer, les nerfs tendus à craquer.

Alors elle crut entendre quelque chose. Faisant demi-tour, elle revint sur ses pas et sonda les autres tunnels.

Des ombres, rien de plus. Et un vague bourdonnement qu’elle ne parvint pas à identifier.

Elle battit en retraite….

… Et réalisa qu’il se tenait derrière elle.

Un instant, la jeune fille se figea. Son corps se tendit, prêt à bondir, et elle se retourna pour faire face à son adversaire.

— Tu as vu quelque chose ? s’enquit une voix familière.

— Alex ! explosa Buffy. Que fais-tu ici ?

— Probablement un truc stupide, concéda le jeune homme. Je t’ai suivie. (Il ne semblait pas du tout contrit.) Je ne pouvais pas rester les bras ballants, ajouta-t-il en guise d’explication.

Buffy le dévisagea. Elle ne savait pas si elle devait se mettre à rire ou à pleurer.

— Je comprends. A présent, va-t’en.

— Pas question.

— Alex, il le faut !

— Jesse est mon pote, d’accord ? Je ne peux pas le laisser tomber s’il a besoin de moi.

Buffy pesa la sincérité de ses paroles.

— Et puis, ajouta Alex, c’est ça ou le cours de chimie. Entre deux maux, il faut choisir le moindre.

Buffy poussa un soupir. Il comprit qu’il avait gagné.

En silence, ils s’engagèrent dans le tunnel ; arrivés au bout, ils marquèrent une pause pour écouter. Mais on eût dit que le complexe souterrain était désert.

Soulagés, ils franchirent une nouvelle intersection et choisirent le passage de gauche. Ils restaient près l’un de l’autre, se préparant à bondir.

— Résumons, dit Alex en comptant sur ses doigts. Les croix, l’ail, le pieu dans le cœur…

— Très efficaces, lui assura Buffy.

— Super. Evidemment, je n’ai rien apporté de tout ça.

— Quelle présence d’esprit ! railla la jeune fille.

Elle lui tendit une croix.

— La partie de mon cerveau qui aurait dû me recommander d’emporter ces choses est toujours occupée à me supplier de ne pas venir te rejoindre, se défendit Alex. Mais j’ai quand même pris ça.

Il sortit une lampe-torche et l’alluma. Un rayon jaune perça les ténèbres, éclairant des murs moisis et un sol couvert de flaques de boue.

— Eteins ça ! siffla Buffy.

Le jeune homme se hâta d’obéir.

— Désolé. Quoi d’autre ?

— Pardon ?

— Quoi d’autre, pour tuer les vampires ?

Buffy poussa un soupir.

— Le feu, la décapitation, la lumière du soleil, l’eau bénite… Les trucs habituels.

— Je vois. As-tu déjà… coupé la tête à quelqu’un ? demanda Alex d’une voix peu assurée.

— Oh que oui ! Je me rappelle le jour où ce type m’avait plaquée à terre. Il jouait ailier gauche dans l’équipe de foot de l’université avant que… avant. Bref, il avait un cou de taureau, et moi un pauvre couteau suisse…

La jeune fille s’interrompit en voyant la mâchoire inférieure d’Alex tomber sur sa poitrine.

— Mon histoire ne te plaît pas, constata-t-elle sur un ton accusateur.

Alex réprima un frisson.

— Je suis content qu’on soit du même côté, c’est tout.